“Il y a huit ans, Alice, 37 ans, a reçu un long e‑mail d’excuses d’un ex-amoureux canadien. Il se disait navré de la tournure qu’avait prise leur relation, de ses SMS, trop nombreux, envoyés après leur rupture, de sa façon folle d’être possessif et intrusif. Il finissait son message en expliquant qu’il accomplissait là sa « neuvième étape », celle des « amendes honorables ». Depuis plus d’un an, Nathan se rendait aux DASA – dépendants affectifs et sexuels anonymes – pour lutter contre son addiction à l’amour et au sexe. Comme tous les programmes estampillés « anonymes », il participait à un groupe de parole sur le sujet et travaillait ses « douze étapes ».
A l’époque, Alice n’a pas tout compris, mais elle a trouvé ça sympathique et folklorique. « Les Américains font des trucs comme ça. C’était bienveillant, ça m’allait. » Elle n’y a plus pensé jusqu’en 2020. Au lendemain du premier confinement, sa meilleure amie, Myriam, 38 ans, a arrêté de boire subitement.
Elle lui a envoyé ce mail : « Je m’appelle Myriam, je suis dépendante. Cette phrase, Alice, je la répète plusieurs fois par semaine depuis plus de trois semaines. Il y a trois semaines, je n’ai pas osé te le dire, ni à toi, ni aux filles, mais je suis tombée sur la tête. Une vraie chute, pas au sens figuré, une chute tellement littérale qu’elle en est grotesque. Bam, sur le coin d’un trottoir en rentrant chez moi à l’aube. Je me suis endormie. Je n’aurais pas dû. On ne se couche pas quand on a le crâne en sang, les yeux au beurre noir et le nez fracturé. On ne se couche pas, on va à l’hôpital. J’ai eu de la chance. Je me suis endormie et, le lendemain, la généraliste que j’ai consultée en urgence m’a fait passer trois scanners. Bilan : un petit os du nez cassé et rien d’autre que la honte et le dégoût de soi, immenses. Pardon, je ne le savais pas, mais je suis totalement tox. J’aurais pu crever d’une soirée trop arrosée. Mais un ami d’amie m’a emmenée dans une réunion des Narcotiques anonymes. Tu ne vas pas le croire, mais je ne bois plus et j’aime parler avec ces gens. »
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Alice a appelé Myriam après ce message et Myriam lui a raconté. Dans ces réunions, tout le monde et n’importe qui est là. Des vieux et des jeunes, un homme de ménage et une star de la télé, des créateurs de mode et des énarques, des banquiers et des profs. Des gens qui n’auraient rien à se dire s’ils s’étaient rencontrés ailleurs, mais qui, dans ces petites salles prêtées ou louées pour trois fois rien à des églises et des associations de quartier, se racontent leur vie, sans s’interrompre, ni s’engueuler.
Tous respectent la règle d’or de ces assemblées : l’anonymat. Myriam est abstinente depuis qu’elle s’y rend. Mieux : cette fille brouillonne, éruptive et imprévisible est devenue, aux yeux de son amie, plus calme et même fiable – elle ne rate plus qu’un rendez-vous sur trois. « C’est quoi ce truc ? », s’est demandé Alice. Une secte ? Un miracle ? Aucun des deux. Il s’agit d’une méthode, lui a expliqué Myriam. Alice a songé : « Mais pourquoi ce truc n’existe pas pour tout le monde ? ».
Un guide pour se reconstruire
Cette méthode, tout droit venue des Etats-Unis et des années 1930, est aujourd’hui proposée à tout le monde. Julien Gangnet, romancier et scénariste, vient de publier Les 12 étapes. La méthode qui a transformé des millions de vies (Goutte d’Or, 176 pages, 18 euros), un récit introspectif à la première personne autant qu’un guide pratique pour permettre à chacun de découvrir ce programme.”
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